Ghardaïa : on brûle le paradis !

On brûle le paradis, mon Dieu ! Ne tuez pas Ghardaïa !

Ghardaïa cité de discipline, de travail et d’art est blessée ! L’eau mozabite, perplexe dans ses ruisseaux magiques, est triste ! Elle a perdu sa couleur sans couleur ! Ghardaïa ! Une larme chaude ou une lâche arme ! On brûle le paradis. Ghardaïa n’est pas une carte postale, une calotte ou un saroual ! Ghardaïa est un jardin, une gourde d’eau fraîche offerte à un passager du désert vers les déserts ! Hospitalité, architecture et œil fasciné de l’Unesco ! Ghardaïa est la cité d’Allah le Beau. Parchemin de poésie, vallée de paix et havre de génie. Elle brûle. On brûle le paradis, mon Dieu ! Ne tuez pas Ghardaïa !

L’assassinat des villes n’est que l’assassinat des poètes. Il n’y a pas de révolution sans poète. Et parce qu’il n’y a pas de révolution sans poète, cette cité féerique a enfanté le poète de la révolution à la révolution algérienne. L’enfant du siècle : Moufdi Zakariya (1908-1977) ! Le fils de sa maman et le chantre de Béni Isguen ! Quand la ville offre à la révolution le chant et les cordes de sa voix, c’est la naissance de l’aube de la liberté. L’enfant génie de Béni Isguen écrit Qassaman (l’hymne national). Ne tuez pas Ghardaïa ! Ne brûlez pas le paradis ! Même si par un passé qui n’est pas très loin, ils ont chassé le poète de Qassaman de sa patrie, Moufdi Zakariya est condamné à vivre, pour l’éternité, dans la mémoire collective des Algériens ! Les enfants finissent par retourner dans la terre bénie. Décédé à Tunis, le poète dort à Béni Isguen. Les pouvoirs politiques, l’un après l’autre, s’éclipsent, mais les poètes demeurent. De l’au-delà de ce monde, Moufdi Zakariya nous parle. A chaque célébration de la révolution, de l’indépendance, d’une bataille, d’un martyr, d’un moudjahid… Moufdi Zakariya, fils de Ghardaïa, est présent. On récite Qassaman ! Réveille-toi Moufdi Zakariya ! On brûle le paradis et on efface le chemin sur lequel, enfant, tu as laissé les traces de tes babouches ! Et je suis triste !

On brûle le paradis, et je pense à un autre poète du M’zab, Ramadane Hammoud (1906-1929) et à son recueil : Boudhour Al Hayât (Germes de la vie). Ghardaïa ! Une larme chaude ou une lâche arme ! Et je pense à un autre poète, Salah Kherfi, un autre enfant d’El-Guerara du M’zab (1932- 1998) ! Et je crie : ne brûlez pas le paradis. On brûle le paradis et je pense au cheikh M’hamed Atfayich (- 1914) une voix contre la corruption intellectuelle, religieuse et matérielle. On brûle le paradis et je pense au cheikh Brahim Bayoud (1899-1981). On brûle le paradis ! Et je pense au maître du calame, le calligraphe Mohamed Cherifi, celui qui a calligraphié le Livre d’Allah dans un style unique!  Et je pense au peintre Brahim Merdoukh, à l’écrivain critique et universitaire Dr Mohamed Nacer ! Ghardaïa, une larme chaude ou une arme lâche, et je pense à mon ami Abderrahmane Hadj Nacer dont le cousin germain n’est autre que Moufdi Zakariya et je relis La Martingale algérienne écrit entre l’autobiographie et l’analyse économique. Ghardaïa ! Une larme chaude ou une lâche arme ! Et je pense au dramaturge Slimane Benaïssa, maître de Lbabour ghrak ! Cher ami Slimane (le bateau a coulé) ! On brûle le paradis, mes chers chouyoukh, écrivains, poètes et artistes. Et je suis triste !

 Chronique parue dans Liberté, avec l’aimable autorisation de l’auteur

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