Engagé dans la protection du patrimoine bâti et la promotion
de la construction en terre, le collectif "Tourab", né il y a quelques
mois, vient couronner de multiples actions dans la réhabilitation du
vieux bâti.
Initié par un jeune architecte, Haroun Bencharif,
originaire de Biskra, le collectif lance prochainement la "Twiza World
Camp 2017".
Il n’est pas à son coup d’essai. Haroun mène des actions depuis qu’il était étudiant en direction de la sauvegarde de ce qu’il appelle "les lieux de mémoire", et la promotion des produits de construction locaux. Cette fois-ci c’est une vieille maison traditionnelle au milieu d’une palmeraie à Tolga, que le collectif s’apprête à réhabiliter.
"La
création du collectif Tourab est récente. L’idée était de donner une
existence institutionnelle aux efforts consentis par une équipe
dynamique et soucieuse de l’avenir de ces vieilles constructions",
souligne Haroun.
Aujourd’hui cadre au sein du centre algérien du
patrimoine culturel bâti en terre à Timimoune, Haroun confie que
l’intérêt qu’il porte pour le patrimoine, est né du simple fait
d’observer la dégradation de ces endroits autour de lui.
Dans sa
ville natale, de nombreuses constructions sont promises à la démolition,
alors que celles-ci sont de vrais chefs-d’œuvre architecturaux. Il cite
le royal hôtel et l’hôtel transatlantique de l’époque coloniale qui
sont actuellement à l’abandon. En dehors de la ville il y a le village
rouge à El-Kantara et bien d’autres qui devraient, selon lui être des
destinations touristiques.
Cette angoisse de voir disparaitre ces lieux s’accroit pour Haroun lorsqu’il découvre durant ses études qu’il n’y a aucun module qui valorise les matériaux locaux. Il est également confronté aux idées reçues que l’on se fait de la construction en terre. Celle-ci a, longtemps, été considérée comme fragile.
"Les
propriétaires des maisons traditionnelles en terre, considèrent que ce
riche patrimoine est un fardeau, ils ne souhaitent pas les retaper
pensant qu’elles seront détruites par les pluies", se désole le jeune
architecte.
Et pourtant on trouve sur tout le territoire national
des constructions en terre qui datent de plusieurs siècles. Cette
matière est économique et écologique puisque les procédés naturels sont
sans énergies grises, commente l’interlocuteur.
Première action "village Lichana"
Il
se dit un explorateur-né. Ses pérégrinations en Algérie et
particulièrement à Biskra l’ont mené à des lieux où l’architecture
dépasse la simple idée de construire.
Lors d’une mission, il
découvre l’ancienne ville de Lichana, un ensemble d’habitations en terre
qui reflète le mode d’une population ancienne.
Haroun explique que le village de Lichana est particulier par son organisation. On y trouve la maison, le commerce et l’école coranique. L’ensemble évolue dans une esthétique homogène, précise-il. Il ajoute que sa population a accueilli ceux de la région de Zaatcha et pourtant cela n’a pas impacté leur mode de vie, ils leur ont construit une nouvelle ville jouxtant la leur.
Déserté
par ses habitants suite à des intempéries le village est aujourd’hui
sans vie. «L’hiver a détruit une bonne partie de la ville, les anciens
avaient des méthodes particulières pour l’évacuation des eaux. N’ayant
pas transmis ce savoir-faire aux générations nouvelles, ces dernières
n’ont pas su préserver les lieux », raconte-t-il.
À Lichana,
Haroun rencontre les membres d’une association locale, il leur propose
un chantier d’architecture dans ces Ksours pittoresques.
"C’était
un vrai succès, deux chantiers ont été organisé depuis. Le premier a
permis aux participants d’apprendre les méthodes traditionnelles de
préparation des matériaux de construction et le second a plus porté sur
la reconstruction d’une partie des habitations", se souvient encore
Haroun.
Aujourd’hui l’association locale a aménagé cette partie retapée et organise des visites pour les touristes.
Et pourtant en péril !
Haroun
compte bien continuer ses actions de préservation du patrimoine,
seulement il sait que ça reste dérisoire vu l’ampleur des chantiers en
souffrance.
Il informe que le problème est bien plus profond, les étudiants en architectures et en génie civil font des calculs uniquement sur du béton. Les habitations en terre ne font partie d’aucun programme ou module.
Pis.
Un programme du ministère de l’habitat considère le "vieux bâti" comme
étant un "habitat précaire" et les propriétaires de ces vieilles
habitations peuvent bénéficier de près de 100 millions pour démolir leur
vieilles maisons et construire en béton, indique Haroun.
"Les
Ksour de Timimoune ont beaucoup souffert de ce programme, c’est tout
simplement aberrant qu’une telle décision puisse exister", dénonce cet
architecte.
Il
estime que les chances de revoir un jour des sites comme Lichana ou
encore l’Oasis rouge de Timimoune, retrouver leur prestige d’antan
s’amenuisent de jour en jour. À travers son collectif "Tourab",
il veut démontrer qu’avec peu de moyens, il est possible de faire de
grandes choses. Cette nouvelle initiative qui débutera le 20 mars à
Tolga, démontre que ses actions commencent à avoir de l’écho puisqu’il
s’agit d’une réponse à une demande d’un citoyen.